FERC CGT – Les politiques d’extrême droite dans l’éducation n°2 : l’Autriche du FPÖ, une politique éducative de préférence nationale

Les élections européennes de 2024 ont vu les partis d’extrême droite obtenir des scores très élevés dans de nombreux pays d’Europe. Pourtant nous avons de multiples exemples qui démontrent que l’extrême droite est incapable, lorsqu’elle accède au pouvoir, faute de volonté, de relever les nombreux défis auxquels les sociétés sont confrontées tant dans le domaine environnemental, que social ou encore éducatif. Dans ce domaine, le cas de l’Autriche est particulièrement instructif.

Un parti d’extrême droite nostalgique de la période nazie

En Autriche, en février 2000, le Parti autrichien de la liberté (Freiheitliche Partei Österreichs, FPÖ) dirigé alors par Jörg Haider est arrivé au pouvoir. Celui-ci est tristement connu pour sa participation annuelle à une amicale d’anciens SS ou pour ses déclarations fracassantes sur les succès de Hitler dans la lutte contre le chômage grâce aux « camps de travail ». Plus récemment, Herbert Kickl (actuel chef du parti du FPÖ) a participé à une réunion en janvier 2024 à quelques kilomètres seulement de la villa de Wannsee, celle-là même où les nazi·es ont décidé de la solution finale en 1942. Il y a fait un discours où il a préconisé l’expulsion d’Autriche de personnes « indésirables ». Après une traversée du désert suite au scandale d’Ibiza en 2019 (dans une vidéo tournée en caméra cachée et diffusée par des médias allemands, le vice-chancelier et leader d’extrême droite Heinz-Christian Strache se disait prêt à se compromettre avec un intermédiaire russe, en échange de financements), le FPÖ retrouve une cote de popularité supérieure à celle de 2019. Ainsi l’extrême droite a obtenu plus de 25 % des suffrages, arrivant en tête des élections européennes de juin, progressant de plus de 8 points par rapport au précédent scrutin.

politique éducative reposant sur le principe de la préférence nationale

En 2017, la coalition gouvernementale dominée par l’ÖVP (Österreichische Volkspartei « Nouveau Parti populaire ») et le FPÖ éditait un programme de 182 pages dans lequel elle présentait les principaux axes de sa politique. Le but de celui-ci est la défense de l’identité nationale reposant sur 10 grands principes tels que la patrie (Heimat), la sécurité (Sicherheit) ou la responsabilité (Verantwortung). Dans cette perspective, l’éducation joue un rôle central au travers une série de mesures telles que :

  • scolariser les enfants uniquement si leur allemand est assez bon. Ainsi en 2020, la décision pour un parcours scolaire dans un lycée ou dans un établissement autre qu’un lycée ne devrait plus être prise, comme jusqu’à présent, sur la base des notes obtenues au premier semestre de la quatrième classe de l’école élémentaire, mais à l’aide d’un test permettant de «  pronostiquer l’aptitude professionnelle  » dans la troisième classe, à l’âge de 9 ans. Les enfants de familles non-germanophones issu·es de l’immigration seront scolarisé·es à part, dans des «  classes d’allemand de soutien  » et ne pourront passer dans des classes normales que s’ils et elles ont atteint une compétence linguistique minimale.
  • Réduire les avantages sociaux pour les parent·es qui ne respectent pas certaines exigences comme s’assurer de la présence des enfants en cours ou le fait qu’ils et elles s’expriment en langue allemande.

En Autriche, la population s’émouvait parfois de l’expulsion de jeunes en cours d’apprentissage, lorsque leur demande d’asile était refusée, parfois après des années de procédure. Certain·es avançaient que ces jeunes étaient déjà intégré·es à la société autrichienne, d’autres que les entreprises avaient besoin d’elles et eux. Le gouvernement a réglé la question, en décidant que l’apprentissage serait dorénavant, tout bonnement, fermé aux jeunes demandeur·ses d’asile. Jusqu’à présent, ils et elles pouvaient commencer une formation en alternance, à condition que le métier choisi soit l’un de ceux pour lesquels les entreprises locales manquent de main-d’œuvre. Avec le FPÖ (le Parti de la liberté) désormais au gouvernement, Vienne revient sur cette disposition négociée, en 2012, par les sociaux·ales-démocrates et les conservateur·trices. Les apprenti·es pourront, dès à présent, être expulsé·es.

L’objectif affiché par Herbert Kickl est clair : « faire de l’Autriche une forteresse ». Proposition qui rencontre un large soutien dans la population notamment depuis les attentats islamistes qui ont frappé le pays.

Les jeunes émigré·es premières victimes de la politique de l’extrême droite reposant sur le droit du sang

Son collègue au FPÖ et vice-gouverneur de la Haute-Autriche, Manfred Haimbuchner, estime qu’il faut éviter l’« appel d’air ». Comprendre : rendre l’Autriche moins attractive pour les exilé·es du monde entier. Pour limiter cette attractivité présumée, Vienne mène une politique répressive et revient sur des mesures facilitant l’intégration des nouveaux et nouvelles venu·es. Ainsi, l’« année d’intégration », qui ouvrait à certain·es réfugié·es des cours d’allemand et des modules de préparation au marché du travail, a disparu en 2019.

Un système scolaire élitiste, dominé par l’influence de l’église catholique

Bien que L’Église catholique autrichienne ne s’oppose pas à un système éducatif reposant sur le principe d’une l’école intégrée, elle défend plutôt un système d’enseignement secondaire « différencié ». Cette prise de position repose sur le fait qu’elle gère un grand nombre de lycées privés payants. Cela est un moyen de mettre en place une éducation réservée aux classes aisées autrichiennes. Cette position lui permet de masquer deux aspects fondamentaux du système éducatif qu’elle gère :

  • d’abord l’auto-sélection des parent·es proches du système éducatif et issus des couches sociales moyennes et supérieures pour lesquels les droits scolaires à payer ne constituent pas un problème.
  • Ensuite le fait que les établissements catholiques font office de rempart contre les enfants issu·es des familles éloignées du système éducatif, non germanophones et surtout musulmanes.

Cela conduit à la mise en place de politique d’éducation reposant sur un système de discrimination sociale et ethnique. Pour ce faire, on oblige les enfants de familles non-germanophones issues de l’immigration à ne pas fréquenter les mêmes classes que les nationaux·ales.

Un programme électoral axé sur « les savoirs fondamentaux », la famille hétérosexuelle et contre « le mainstreaming de l’égalité des sexes »

Les résultats obtenus par l’extrême droite autrichienne lors des élections européennes peuvent donc laisser penser que le FPÖ a des chances de remporter les élections législatives de ce mois de septembre 2024. Son programme électoral en matière d’éducation est clair : une école discriminatoire et identitaire au service du patronat. En effet, pour le FPÖ, l’école doit « enseigner les techniques culturelles de lecture, d’écriture et de calcul […] promouvoir les talents et aptitudes individuels […] offrir la meilleure formation possible pour préparer à la vie professionnelle et de transmettre les valeurs et traditions de notre communauté ». Il semblerait que les savoirs fondamentaux chers à Jean-Michel Blanquer aient des allié·es au sein de l’extrême droite autrichienne…

Quant aux « valeurs et traditions » évoquées, là aussi, les choix discriminatoires, sexistes et homophobes ne sont pas dissimulés par le FPÖ dans son programme : « nous nous prononçons contre le mainstreaming de l’égalité des sexes […] Nous sommes attachés à la primauté du mariage entre un homme et une femme en tant que forme particulière de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant. Seul le partenariat entre un homme et une femme permet à notre société d’avoir de nombreux enfants. Nous rejetons un institut juridique distinct pour les relations homosexuelles. »

Ce programme ultra libéral, homophobe et nataliste est une constante dans les programmes des partis d’extrême droite dans toute l’Europe notamment là où elle est déjà au pouvoir comme en Italie (voir la fiche sur ce pays) ou la Hongrie.