Communiqué intersyndical 06 : Notre université ne doit pas devenir un bastion de l’extrême-droite !

Réaction de l’intersyndicale CGT-FSU-SUD d’Université Côte d’Azur suite à l’annulation de la conférence de « Génération Zemmour » sur le campus de Droit.

L’intersyndicale se félicite de la décision finalement prise par UCA d’annuler la tenue de la conférence de Génération Zemmour, branche « jeunes » du parti dont le leader, pour rappel, a été condamné à plusieurs reprises pour injure à caractère raciste et appel à la haine raciale [0].

Cette annulation fait suite à la mobilisation de l’intersyndicale CGT-FSU-SUD, de multiples membres de la communauté universitaire, d’associations citoyennes niçoises, mais aussi à la résonance qu’a pris cette affaire dans l’Enseignement Supérieur et la Recherche au niveau national [1] et sur les réseaux sociaux.

Notre alerte au sujet des risques de violence de la part de l’extrême-droite contre les personnels et les étudiant·es, en particulier étranger·es, dans le sillage de cette conférence, risques qui avaient été dans un premier temps sous-estimés par la gouvernance d’UCA, n’a pu être ignorée plus longtemps par la préfecture et par la présidence de notre université.

Pour autant, le timing tardif de l’annulation, ainsi que les regrets exprimés par le président « que l’Université ne soit pas le lieu privilégié et serein des débats et de l’expression contradictoire des idées » peuvent laisser rêveur. En réalité, quand une manifestation implique l’extrême-droite, de surcroît dans cette version des plus décomplexées, on ne peut pas dans le même temps s’alarmer de « risques de trouble à l’ordre public » et regretter qu’un débat ne puisse avoir lieu. L’extrême-droite en soi constitue une menace pour la paix sociale, la violence étant au cœur même de ses discours et de ses actes.

On se souvient que, dans les années 1980, lorsqu’un média télévisuel avait pour la première fois organisé un débat avec Jean-Marie Le Pen, le journaliste avait proposé des gants de boxe à ses invités. Telles sont effectivement les conditions d’un « débat » avec l’extrême-droite, et les efforts mensongers de celle-ci pour donner des gages démocratiques n’y changent rien. Les médias qui cultivent le goût du clash y trouvent leur compte. Mais ce n’est pas une conception acceptable du débat d’idées à l’Université, a fortiori avec le mouvement d’Éric Zemmour, qui ne fait que proclamer la suprématie d’une élite blanche et masculine, fantasmée en tant que peuple français légitime. En aucun cas un discours fondamentalement raciste, antisémite, xénophobe, sexiste et anti-LGBTQIA+ ne peut avoir droit de cité dans nos amphis.

Nous avons affaire en effet à un discours d’exclusion tissé de contre-vérités qui sont toutes battues en brèche par la recherche, lente et patiente, des sciences sociales et politiques. Qu’il s’agisse de la révision du passé (quand Zemmour fantasme une France de Vichy protectrice des Juifs français), à propos de laquelle l’historien Laurent Joly parle à juste titre de « falsification de l’histoire » [2], ou de celle du présent (quand le même Zemmour fantasme un « grand remplacement » des populations blanches européennes), à propos de laquelle les démographes, géographes, sociologues et autres politologues parlent tout aussi justement de « mythe conspirationniste » [3].

La critique de l’idéologie d’extrême-droite a toute sa place à l’Université : c’est même l’une de ses missions citoyennes, puisque cette idéologie est contraire aux valeurs académiques. Mais cette critique ne passe certainement pas par une confrontation, forcément violente, avec les représentant·es de cette idéologie.

Dans les médias, les invitations répétées à des personnalités d’extrême-droite n’ont fait que banaliser son discours ad nauseam ; le moins que l’on puisse dire est que sa liberté d’expression n’est pas entravée dans notre société. Il ne manquerait plus que l’Université lui apporte une caution, en faisant incidemment croire à tort que ce discours est doté de quelque légitimité académique.

Le représentant de Génération Zemmour, Stanislas Rigault, affirme dans les médias qu’il a déposé un référé-liberté auprès du Tribunal administratif pour se plaindre de l’annulation de sa conférence ; espérons que celui-ci ne puisera pas dans les avis du Référent éthique et intégrité scientifique d’UCA matière à donner raison au plaignant, notamment dans son invocation du droit international relatif à la liberté d’expression.

Loin d’être circonstancielle et accidentelle, cette annulation de la conférence du président de Génération Zemmour doit être un précédent qui fait jurisprudence.

Quant à toutes les personnes qui se sont opposées à la tenue de cette conférence, nous savons que, comme nous, elles n’en démordront pas : il n’est pas question que notre université devienne un jour un bastion de l’extrême droite.

[0] Voir par exemple le jugement du Tribunal judiciaire de Paris, 17e ch., du 17 janvier 2022.

[1] Voir par exemple https://academia.hypotheses.org/45606

[2] Voir https://www.grasset.fr/livres/la-falsification-de-lhistoire-9782246830818

[3] Voir par exemple https://www.jean-jaures.org/publication/le-grand-remplacement-est-il-un-concept-complotiste/