CGT pôle emploi Occitanie : 28 octobre 1922, la marche sur Rome

Le 28 octobre 1922, soutenus par quelques figures de la noblesse (l’Italie est alors une monarchie parlementaire), par les chefs de file libéraux, par les syndicats patronaux de l’industrie et de l’agriculture (la confindustria et la confagricola), par le clergé, par les grands propriétaires, par les autorités militaires… les fascistes et Mussolini à leur tête, se voyaient remettre les rênes du pouvoir par le roi Victor-Emmanuel III.

Bien loin de la « révolution fasciste » vantée par la propagande d’alors et entretenue par la suite, il s’agit bien plus d’une mise en scène visant à légitimer la prise, légale, du pouvoir, par les faisceaux italiens.

C’est aussi et surtout l’aboutissement de 2 années de haine et violences menées par les squadre à l’encontre des organisations ouvrières.

Car en effet, au sortir de la 1ere guerre mondiale, l’Italie est animée d’un puissant courant révolutionnaire. La classe ouvrière, sacrifiée sur les champs de bataille pendant la guerre, est à présent mobilisée sans relâche à la reconstruction des états. Peu importe qu’ils soient défaits ou victorieux, un effort considérable est imposé aux prolétaires, les survivants, parfois mutilés, toujours endeuillés, qui en guise de récompense ne peuvent attendre que la misère. Dans le même temps, la révolution d’Octobre 1917 diffuse à travers le monde entier et concours à l’accélération du développement de la conscience de classe, qui se traduit en Europe par une grande agitation dès 1919.

En Italie, une vague d’émeutes contre la vie chère et pour la journée de 8h traverse tout le pays dès le printemps 1919. Dans les usines, la classe ouvrière se structure, elle s’organise au travers de grèves. De même à la campagne où les ouvriers agricoles vont jusqu’à occuper les terres.

Les ouvriers de l’industrie leur emboîtent le pas dès 1920 et procèdent à l’occupation des usines, aboutissant à expérimenter l’autogestion. Des centaines d’usines occupées par des centaines de milliers d’ouvrières et ouvriers grévistes qui constituent leurs milices d’autodéfense et gèrent eux même la production.

Ces deux années, qu’on appelle en italien Biennio Rosso, sont marquées par le renforcement de la classe ouvrière qui maintient le pays dans un contexte prérévolutionnaire.

Les capitalistes, eux, sont bien incapables de trouver une sortie qui leur soit favorable. D’un côté ils estiment avoir déjà bien assez fait preuve de largesses depuis la fin de la guerre et refusent de lâcher plus, d’un autre, il leur est impossible de s’appuyer sur l’état, encore trop faible pour faire face au prolétariat en arme. Ils s’en remettent alors au PSI (Partito Socialista Italiano) et à la CGL (Confederazione Générale del Lavoro) dans d’ultimes négociations qui aboutissent à la proposition d’un accord comprenant l’augmentation générale des salaires, des primes de vie chère, la majoration des heures supplémentaires, 1 semaine de congés payés par an et la mise en place d’indemnités de licenciement. En outre, le patronat s’engage à ne prendre aucune mesure disciplinaire contre les grévistes ayant pris part aux occupations.

Les masses en lutte, épuisées, sans ressources financières acceptent l’accord dans le cadre d’un référendum qui ne mobilise qu’une minorité des électeurs potentiels.

Le retour à la normale se fait rapidement. La révolution n’aura pas lieu et les ouvriers sont partagés entre le sentiment d’une victoire, réelle, et celui d’être passés à côté de la révolution prolétarienne.

De leur côté, les capitalistes Italiens ont bien compris la force de la classe ouvrière, passant près de se faire déposséder comme leurs homologues Russes. Il devient alors évident pour la bourgeoisie qu’il faut manœuvrer au renforcement de l’état pour préserver ses intérêts.

C’est dans ce contexte que se développe le PNF (Partito Nazionale Fasciste). S’il est fondé par Mussolini en 1921, il se construit dès la sortie de la guerre, au sein de différentes organisations nationalistes et futuristes : les faisceaux. Ces milieux sont notamment très fréquentés par les militaires, dont d’anciens arditi (troupes d’élite) frustrés du sentiment de victoire mutilé.

Ces groupes paramilitaires aguerris sont soutenus financièrement et armés par les possédants et l’appareil d’état. Dès l’été 1920, ils sont employés à écraser le mouvement ouvrier afin d’annihiler tout risque de voir se reproduire une situation semblable au biennio rosso.

Formés en squadre d’azione (escouades d’action), ils interviennent à la ville ou à la campagne, là où les travailleuses et les travailleurs relèvent la tête. Ils organisent des expéditions punitives à plusieurs centaines, parfois milliers de militants fascistes. Concentrant leurs forces sur une localité, ils mettent à sac les bourses du travail, les sièges de partis et syndicats ouvriers, les rédactions de journaux de gauche, passent à tabac ou éliminent les militants.

Bien que parfaitement illégales et répréhensibles, leurs actions restent impunies et ils jouissent de la bienveillance, voire de la participation des autorités qui souvent, désarment et enferment les militants la veille d’une attaque. Les tribunaux acquittent les meurtriers fascistes, alors que le moindre délit commis par un militant ouvrier est sanctionné par une lourde peine.

En 1921, les bandes armées de Mussolini sont organisées au sein d’un mouvement centralisé et discipliné : le PNF. La terreur organisée par les fascistes a évidemment affaibli la classe ouvrière. Cependant le mouvement ouvrier organisé représente toujours une force importante, profondément hostile au fascisme. Des réponses proportionnées aux attaques fascistes eurent lieu, mais furent vite désavouées par une partie des élites sociales démocrates et des dirigeants ouvriers.

Début 1922, les expéditions punitives redoublent d’intensité et ne rencontrent qu’une réaction désordonnée. Fin juillet, l’Alliance du travail qui regroupe les plus gros syndicats ouvriers, appelle à une grève générale, la grève légalitaire, afin d’appeler au respect de la légalité… Alors même que les détenteurs de cette légalité donnent carte blanche aux fascistes.

Ces derniers profitent de l’occasion pour bander les muscles et exigent des grévistes qu’ils reprennent le travail, par la force quand c’est nécessaire. Au 4e jour, l’Alliance du Travail décide de la fin de la grève. Pour Mussolini et les siens, il est désormais clair que plus rien ne peut s’opposer à l’instauration d’un gouvernement fasciste.

S’en suit une succession de coups de force. Occupation de plusieurs villes, agitation et intimidation lors d’évènements officiels. Le scenario d’une marche sur

Rome commence à naître. L’idée de Mussolini est d’exercer une pression afin de se voir remettre le pouvoir légalement.

Le 27 octobre, les groupes paramilitaires de Mussolini prennent la route vers Rome. Mussolini est à Milan, aux portes de la Suisse. Il y rencontre le président de la Confindustrial avec qui il évoque la physionomie du nouveau gouvernement. Le 28, Les fascistes sont stoppés placidement par l’armée, aux portes de Rome. Le premier ministre, Luigi Facta, demande la proclamation de l’état de siège, que le roi refuse de signer. Facta démissionne. Alors que les fascistes paradent dans la ville, Victor-Emmanuel III propose à Mussolini de participer à un gouvernement libéral. Mussolini refuse. Il arrive à Rome en train le 30 octobre et se voit confier la charge de former le nouveau gouvernement.

Ce nouveau gouvernement, incluant quelques dirigeants libéraux et du Parti populaire, fût adopté avec une très large majorité par les assemblées. Les fascistes avaient fait leurs preuves et étaient, pour la bourgeoisie et toutes les forces conservatrices et réactionnaires, le meilleur rempart du capitalisme contre le «péril rouge ».

De fait, une chape de plomb s’abattit sur la classe ouvrière italienne pendant les deux décennies qui suivirent.

Dans les contextes de crise économique, quand les masses laborieuses sont soumises à l’effort et au sacrifice et qu’elles redressent le menton pour exiger la dignité de vivre, les fascistes ne sont jamais loin. Ils sont entretenus par les possédants, toujours à quelques pas des appareils de l’état, prêts à prendre la main si les intérêts des industriels et des financiers sont menacés.

Combattre le fascisme passe avant tout par les idées et la politique. Nous ne devons jamais oublier qui ils sont et quels intérêts ils servent. Il n’y a pas de meilleur moyen de se prémunir contre le fascisme, pour les travailleuses et les travailleurs, que de s’organiser, de se renforcer mutuellement par les luttes et d’imposer le progrès social.

Le 10 novembre, nous appelons à la grève pour l’augmentation générale des salaires et traitements, la titularisation de toutes et tous nos collègues précaires, des campagnes de recrutement en CDI permettant de renforcer les effectifs du réseau comme des fonctions support.