Communiqué VISA : Le 19 juin, barrer la route au RN ! Pas une voix pour l’extrême-droite !

Le mot d’ordre « pas une voix pour l’extrême droite ! » est plus urgent que jamais : le mouvement ouvrier doit convaincre tous ceux et toutes celles qui se revendiquent de ses valeurs ou des acquis, de ne surtout pas apporter leurs suffrages aux forces politiques nationalistes, racistes et néofascistes.

L’extrême droite française, après le premier tour des législatives de juin 2022, se montre considérablement renforcée. Avec son principal parti, le Rassemblement national (RN), elle obtiendra sans aucun doute un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale. Ce sera la première fois depuis mars 1986, lorsque 35 député-e-s du Front national (FN) de l’époque – dont la liste pour les législatives de mars 1986 était d’ailleurs déjà intitulé « Rassemblement national » – entrèrent à l’Assemblée nationale.

Mais les conditions de cette entrée ne sont pas du tout les mêmes puisqu’en mars 1986, l’Assemblée fut élue au mode de scrutin proportionnel.

Cette année, la principale force électorale de l’extrême droite réussira à obtenir une représentation parlementaire plus ou moins importante alors que le scrutin est majoritaire. La présence du RN lors de ces élections diffère d’ailleurs substantiellement de celle du FN (son prédécesseur, alors qu’en réalité, il n’y a aucune différence substantielle entre l’un et l’autre) dans des élections antérieures.

Une présence renforcée malgré la disparition des triangulaires

A partir des années 1990, la montée du FN de l’époque avait conduit à un nombre important de « triangulaires » lors du second tour des élections, législatives ou autres (municipales, régionales). Lorsque des candidat-e-s du parti d’extrême droite furent élu-e-s, c’était à la faveur de configurations à trois où une majorité relative suffisait à une force politique pour l’emporter. A titre d’exemple : le FN prit ses trois premières municipalités, celles d’Orange, Toulon et Marignane, en juin 1995 avec des majorités relatives autour de 36 à 38% des voix. (Il est vrai qu’au moins à Orange, il réalisera plus tard des majorités absolues, une fois ancré dans la ville, alors que le FN perdra ses autres mairies avant d’en regagner à partir de 2014.)

Aujourd’hui, nous assistons toutefois à la quasi-disparition des triangulaires. Ce fait est dû à la forte abstention : puisqu’il faut obtenir 12,5 % des voix des électeurs et électrices inscrit-e-s (et non des suffrages exprimés) pour accéder au second tour, plus l’abstention est élevée, plus la barrière est haute. Avec un taux de participation qui correspond à la moitié du corps électoral, une candidature doit ainsi obtenir 25 % des voix exprimées pour pouvoir figurer au second tour. Or, en 2017, l’abstention au premier tour des législatives dépassait les 46 %. Cette année, elle est de 47,5 %. Ainsi, il n’y a quasiment que des seconds tours disputés entre deux candidatures (des « duels ») et pratiquement pas de triangulaires. Il y en avait eu une seule en juin 2017 ; il y en aura huit au total, le 19 juin 2022, sur 577 circonscriptions.

208 seconds tours avec implication de l’extrême droite

Malgré cela, le RN sera présent au second tour dans 208 circonscriptions sur les 577. Il participera à cinq des huit triangulaires. Le parti d’extrême droite affrontera par ailleurs, en « duel », la macronie dans 106 cas, l’alliance de gauche NUPES dans 61 circonscriptions, la droite LR dans 25 et d’autres forces politiques dans 11 d’entre elles.

Notons qu’à cette occasion, la macronie a décidé de ne pas appeler à voter pour l’écologiste Marine Tondelier à Hénin-Beaumont, qui a mené un travail d’opposition courageux et de longue haleine dans cette ville contre la mairie FN puis RN en place depuis 2014.

Dans cette circonscription, la cheffe du RN, Marine Le Pen, avait obtenu 53,96 % des voix exprimés dès le premier tour. C’est le score le plus élevé de son parti. Elle serait déjà élue députée dès le premier tour si l’abstention forte (qui l’a empêché de passer la barrière des 25 % des inscrit-e-s au premier tour) ne l’avait forcée à un second tour. A Hénin-Beaumont, la macronie a donc clairement décidé de laisser passer l’élection de Marine Le Pen. Ailleurs, elle affirme en général vouloir qu’« aucune voix pour l’extrême droite » ne vienne de son camp, avec des applications concrètes à géométrie variable.

Les résultats globaux élevés pour le RN, et pour l’extrême droite en général puisqu’il faudra lui additionner les scores de quelques autres candidatures, semblent d’autant plus étonner que le parti de Marine Le Pen s’était longtemps quasiment abstenu de mener campagne pour les législatives, au moins sur le plan national. Un possible coup de fatigue politique de Marine Le Pen à la tête du FN, suite à sa défaite (plus serrée qu’en 2017 mais néanmoins actée) à l’élection présidentielle, a pu y jouer un rôle. La présidence du RN semble être disputée, dans un proche avenir, entre Jordan Bardella d’un côté et Louis Aliot de l’autre. Un positionnement politico-idéologique de fond, en faveur d’une présidence forte et d’un parlement faible, y a sans aussi doute contribué. Alors que d’autres forces politiques (notamment la NUPES) ont mené campagne pour forcer le président en exercice à une cohabitation, en cherchant à obtenir une majorité parlementaire, sa vision de l’Etat et de ses institutions empêche le RN de faire de même. Il ne souhaite en effet pas « affaiblir » la monarchie républicaine de la Cinquième République, en espérant toujours conquérir l’Elysée un jour, même si le ou la candidat(e) ne sera alors peut-être pas Marine Le Pen.

Ce n’est qu’après les incidents au Stade de France, le 28 mai 22, que le RN se sera réveillé en menant une campagne de propagande, mettant les problèmes survenus sur le dos de l’immigration uniquement.

Malgré le quasi-silence médiatique du RN après plusieurs semaines, suite au second tour de l’élection présidentielle du 24 avril 22, il aura obtenu un score historiquement élevé au premier tour des législatives.

Un score plus élevé que jamais, à une élection comparable

Le 12 juin 2022, le RN a réalisé un score national de 18,7 % des voix. C’est inédit, puisqu’avant lui, le FN obtenait toujours des scores nettement moindres aux législatives en comparaison aux présidentielles qui les précédaient (depuis l’instauration du quinquennat en 2000 et l’inversion du calendrier électoral en 2001). Après des scores nettement plus élevés aux présidentielles – allant de 17 % en avril/mai 2002 jusqu’à 33,9 % au second tour en 2017 -, le FN a ainsi récolté 11,3 % en juin 2002 ; 4,3 % en juin 2007, ce qui correspond au moment du « siphonnage » temporaire de son électorat par Nicolas Sarkozy ; puis 13,6 % des voix en juin 2012 et 13,2 % en juin 2017.

Si le socle de l’extrême droite aux législatives était ainsi d’environ 11 à 12 % aux législatives en moyenne, sur ces vingt dernières années, son score global est presque le double cette année. Ceci parce qu’il faudra ajouter à celui du RN (18,68 %) aussi celui réalisé par le parti zemmourien « Reconquête ! » avec 4,25 % au total et quelques autres candidatures diverses d’extrême droite, qui réalisent au total 1,21 %.

Leur addition donne un total de 24,14 % des voix. Le RN avait présenté des candidatures dans 567 circonscriptions (sur 577), et Reconquête ! dans 551.

Quant à Nicolas Dupont-Aignan – promis, en mai 2017, à devenir « premier ministre de Marine Le Pen » en cas de victoire électorale – a obtenu 33,34 % dans l’Essonne et se trouve en ballottage favorable dans sa circonscription.

Reconquête !, un échec cuisant

Concernant les candidatures de Reconquête !, elles sont toutes battues dès le premier tour ; aucune d’entre elles n’accède au second tour. La seule qui pouvait s’en approcher était celle d‘Eric Zemmour à Saint-Tropez/Cogolin. Or, avec 23,19 % des suffrages et en troisième position, il échoue sur la condition des 25 % des voix des inscrit-e-s.

Au moins en ce qui concerne Reconquête !, force est de constater que ces élections se traduisent par un échec retentissant. Mais cela risque d’être plutôt profitable au RN, qui voit ainsi la page du schisme électoral de l’extrême droite française, ouverte à l’automne 2021, se refermer. Cela malgré le fait que Reconquête ! n’exprime aucune consigne de vote pour le second tour, et que Jordan Bardella déclara, par ailleurs (le 14 juin 22 sur BFM TV), qu’il ne souhaitait pas voir réintégrées au RN des personnes qui l’avaient quitté il y a quelques mois pour rejoindre la caravane zemmourienne.

Par ailleurs, le RN, quant à lui, n’exprimera a priori pas d’appels à voter au second tour, non plus, et n’arbitrera pas les affrontements entre macronie et NUPES. Toutefois, Louis Aliot, le maire de Perpignan, fit comprendre, le mars 14 juin, qu’il souhaite voir battu l’ex-ministre macroniste Christophe Castaner, « quitte à voter pour la NUPES ». Ce faisant, l’élu RN renoue avec une tradition antérieure de Jean-Marie Le Pen qui, à partir du milieu des années 1990, avait parfois (et partant d’un cynisme programmatique) appelé à faire battre des représentant-e-s du bloc bourgeois et conservateur par la gauche, pour montrer ses muscles à la droite.

La future stratégie du RN

Dans une future Assemblé nationale, où une macronie affaiblie s’alliera probablement à la droite LR ou quelques uns de ses résidus (alors que le RN s’efforcera à attirer quelques autres), le parti d’extrême droite s’efforcera à jouer l’opposition prétendument la plus déterminée. Que ce soit face à une éventuelle majorité NUPES, qu’il s’engagerait à combattre bille en tête, ou encore face à un éventuel axe majoritaire Ensemble/LR. Dans ce dernier cas, le positionnement de l’extrême droite consisterait à surenchérir verbalement sur l’opposition de gauche ; il prétend d’ores et déjà, sur les plateaux TV, que l’extrême droite serait la seule véritable opposition puisque le candidat de gauche le mieux placé à l’élection présidentielle aurait « appelé à voter pour Emmanuel Macron », et serait ainsi devenu « complice de la retraite à 65 ans » (comme l’affirmaient plusieurs représentants du RN lors des débats de la soirée électorale du 12 juin). Ce qui est d’ailleurs objectivement faux puisque Jean-Luc Mélenchon avait appelé, le soir du 10 avril 2022, à ne donner « aucune voix à Marine Le Pen » sans appeler à voter explicitement pour Macron, laissant ouvert le choix entre un tel vote (dans l’esprit de « faire barrage »), un vote nul ou l’abstention.

Encore du travail pour VISA et les organisations syndicales

L’analyse des résultats du 1er tour des élections législatives n’est donc pas glorieuse pour VISA et les organisations syndicales.

En effet, une partie des salarié.es n’a toujours pas intégré, malgré de nombreux communiqués et prises de position publiques contre l’extrême-droite, la dangerosité des projets et l’imposture sociale du Rn et de Reconquête.

Il apparaît donc nécessaire et urgent de poursuivre le travail engagé par de nombreux syndicats pour lutter contre les idées d’extrême-droite sur les lieux de travail mais aussi plus globalement dans la société.

De même, il faut réfléchir collectivement aux meilleurs moyens pour pouvoir nous adresser aux travailleur.euses isolée.es, (en télé travail, en micro entreprises…), aux précaires et aux privé.es d’emplois, cibles faciles pour l’extrême-droite car sans cadre de travail ni repères collectifs.

A travers ses formations syndicales antifascistes, VISA fait également le constat que certains départements se transforment peu à peu en déserts syndicaux, laissant ainsi l’extrême-droite s’engouffrer sans résistance…

Ces défis à relever ne sont ni nouveaux, ni insurmontables.

  • Depuis 1996, VISA est à la disposition des syndicats pour fournir des argumentaires, du matériel, des conseils et des formations contre l’extrême-droite. Plus que jamais, nous sommes disponibles.
  • Depuis 26 ans, VISA a participé à plusieurs cadres unitaires contre l’extrême-droite, tant nationaux que locaux. Plus que jamais, il faut les multiplier.
  • En parallèle à ces collectifs, VISA souhaite que l’unité syndicale débouche aussi sur des victoires sociales, meilleur rempart contre la montée des idées fascisantes.
  • Enfin, avec la possibilité pour l’extrême-droite d’avoir un groupe à l’Assemblée Nationale, VISA s’engage à surveiller les discours et les votes de ces parlementaires et à poursuivre son travail de dénonciation des mensonges et de l’hypocrisie du Rn, le pire ennemi des salarié.es.

Sans cesse, nous devons rappeler et expliquer que l’extrême droite n’a, bien évidemment, absolument aucune alternative sociale, progressiste ou humaniste à offrir. Elle ne sait que canaliser la colère (y compris celle dont les racines sont sociales) envers la haine à l’encontre de certains groupes humains ou entre nations. Toujours est-il qu’elle se prépare d’ores et déjà à une opposition démagogique, prétendant incarner l’alternative soi-disant sociale au macronisme, en renvoyant verbalement dos à dos « les destructeurs d’en haut et les destructeurs d’en bas » selon ses paroles, soit les macronistes « qui veulent transformer la France en salle de marché, en casino » et une gauche « qui souhaite la transformer en ZAD ».

L’extrême droite reste plus que jamais à combattre, il faut décrypter sa démagogie sociale et politique ainsi que lui barrer la route vers d’autres succès.

Dans l’immédiat, pas une voix pour l’extrême-droite !

Elle se nourrit du désespoir, redonnons de l’espoir !