Dossier VISA : RN, municipales et crise sanitaire, la peste brune est toujours nuisible !

L’extrême droite est interpellée par les enjeux de la période actuelle nouvelle, et tente de construire ses réponses. Après avoir tenté d’utiliser les élections municipales comme un tremplin, l’extrême droite tente maintenant de répondre à l’urgence des crises en cours : sanitaire, mais aussi économique et sociale.

VISA a décortiqué les résultats obtenus par le RN le 15 mars et analysé les prises de position du parti fasciste depuis le début de l’épidémie du Covid-19. Dans le même temps, VISA a débusqué des candidats RN se déclarant être militants syndicaux…

A propos de quelques « syndicalistes » sur des listes d’extrême droite…

Comme pour les élections municipales de 2014, mais de façon plus restreinte, le RN a « saupoudré » un certain nombre de ses listes pour les municipales de 2020 avec des militants issus du syndicalisme. La réaction des syndicats concernés a été rapide et salutaire.

Ainsi dans le Nord (59), à Roubaix, un adhérent CGT parmi les agents municipaux, Laurent CHARLES, qui était candidat sur la liste du RN dans cette ville, a été immédiatement exclu de la CGT.

Dans les Bouches-du-Rhône (13), deux adhérents de la CGT, Sauveur VISCONTI et Kamel BENKENNNINE, présents eux aussi sur des listes RN, ont été exclus par l’Union départementale CGT 13, la CGT Transports et la CGT Construction-Bois-Ameublement, qui, dans un communiqué, ont réaffirmé que « ce parti (le RN) ne sera jamais du côté des travailleurs ni leur défenseur ».

Toujours dans le même département, un adhérent de SUD Industries, Francis LOPEZ, candidat sur la liste du RN à Martigues, a lui aussi été exclu par l’Union syndicale Solidaires (voir communiqué sur le site de VISA).

Nous, VISA, ne pouvons que nous féliciter de ces réactions rapides qui empêchent ainsi la banalisation de l’affichage d’un choix politique qui est aux antipodes des valeurs du syndicalisme.

Nous notons aussi que se sont trouvés sur plusieurs listes du RN ou soutenues par ce parti, des individus publiquement connus comme ex- ou anciens syndicalistes ; ce fut le cas à Saint-Nazaire avec un ancien militant de la CGT ; dans le Pas-de-Calais, plus précisément à Calais, avec Francis LEBON, un ancien militant de la CFTC ; et dans le Var, à Draguignan, où Philippe PALLARUELO, ancien élu suppléant CFDT au CCE des Hyper Carrefour et ancien président du Conseil des Prudhommes,  se trouvait sur la liste SCHRECK ouvertement soutenue par le RN.

Cette liste de cas n’est certainement pas exhaustive, et d’autres ont pu échapper à notre vigilance.

La lutte contre la contamination par les idées du RN dans le milieu syndical, et plus généralement dans le monde du travail, se doit d’être constante, pas seulement à l’occasion de quelques outing lors d’échéances électorales.

C’est le sens de notre combat en appui total au mouvement syndical.

Les municipales interrompues

La période mars-avril 2020 a d’abord été politiquement marquée en France par le premier tour des élections municipales… Avant que les enjeux du scrutin ne s’effacent devant la crise sanitaire provoquée par le coronavirus, et la déclaration de l’état d’urgence par le gouvernement.

Les temps sont particuliers, les conditions de tenue du scrutin municipal l’étaient tout autant. Si le premier tour s’est effectivement déroulé à la date prévue, le second tour a été reporté à une date indéterminée, qui pourrait être le 21 juin, mais également être située en octobre 2020 voire au printemps prochain.

Du fait des préoccupations résultant de la diffusion du Coronavirus, le taux de participation au premier tour s’en est ressenti, passant de 63,55 % (en mars 2014) à 44,64 % cette année, ce qui marque un record négatif dans l’histoire de la Vème République.

Dans ce contexte spécifique, les résultats électoraux de l’extrême droite sont contrastés.

Des maires RN réélus

La majorité des édiles municipaux que l’ancien Front national (FN) devenu Rassemblement national (RN) comptait dans ses rangs, depuis 2014, ont été réélus.

11 maires d’extrême-droite appartenaient jusqu’ici au RN, étant eux-mêmes membres du parti. Un douzième, Robert Ménard à Béziers, n’était pas lui-même encarté au parti – il a tenté de lancer son propre mouvement, « Oz ta droite » – mais s’appuyait sur une majorité issue du FN (RN). Nous reviendrons sur lui ainsi que sur la Ligue du Sud pour compléter la cartographie des mairies brunes.

Huit sur les douze en question ont, en mars 2020, obtenu une majorité absolue des voix exprimées au premier tour. A titre de comparaison, en mars 2014, seule une municipalité – celle d’Hénin-Beaumont dans le Pas-de-Calais – était tombée dans l’escarcelle du FN dès le premier tour (avec 50,3 % des voix). Les autres mairies gagnées par le FN en 2014 le furent au second tour, soit à la majorité absolue, soit à la majorité relative dès lors qu’il y avait 3 voire 4 listes en présence.

Cette année, plusieurs listes présentées par une majorité RN sortante obtiennent des gros scores. C’est le cas pour la liste de Steeve Briois à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), qui totalise pas moins de 74,21 % des voix exprimées le 15 mars 2020.

Ailleurs dans le Pas-de-Calais, les résultats du RN sont cependant moins brillants.

Le maire d’extrême droite Robert Ménard à Béziers (Hérault), récolte 68,74 % des voix, soit 13.419 votants en nombre absolu. Cela ne fait cependant que 351 voix de plus qu’en mars 2014 (13.068 voix), alors qu’il avait été élu à la faveur d’une triangulaire avec une proportion de « seulement » 44,88 % ; ce qui s’explique, évidemment, compte tenu de la forte baisse de la participation (à 44 %).

A l’opposé, plusieurs de ses amis politiques ayant présenté des listes dans l’Hérault, alliant souvent la droite locale et l’extrême droite, échouent lors de ce scrutin.

A Hayange (Lorraine), où Fabien Engelmann était contesté jusque dans les rangs de son propre parti en raison de ses méthodes autocratiques et égocentriques, le maire sortant réussit à se faire réélire avec un score de 63,14 %.

C’est aussi le cas de la liste du maire sortant Philippe de Beauregard à Camaret-sur-Aigues (à proximité d’Orange) qui obtient 70,22 % des voix.

A Beaucaire (Gard), Julien Sanchez a été lui aussi réélu dès le premier tour, avec 59,59 % des voix et au Pontet (Vaucluse), Joris Hébrard se trouve dans le même cas de figure, avec 57,20 % des voix exprimées.

Ailleurs, des maires FN (RN) sont réélus d’une manière un peu moins spectaculaire, tels que Franck Briffaut à Villers-Cotterêts avec 53,46 % des voix ou David Rachline à Fréjus avec 50,6 %.

Les maires d’extrême droite en ballottage

D’autres maires FN / RN sortants devront se présenter au second tour, tels que Marc-Etienne Lansade à Cogolin, en ballotage favorable avec 47,5 %, et Pascal Verrelle à la mairie du Luc, lui en situation défavorable (second avec 37,96 %).

A Mantes-la-Ville, où le FN n’avait gagné en 2014 qu’à la faveur d’une quadrangulaire et avait connu des scores pas très élevés aux scrutins nationaux de 2017, le maire sortant Cyril Nauth semble limiter les dégâts avec 33,72 % et une première place. La suite dépendra sans doute, dans cette seule municipalité d’extrême droite située en Île-de-France, de l’attitude de l’opposition.

Dans le 7ème secteur de Marseille, Stéphane Ravier (élu maire du secteur en mars 2014, avant de laisser sa place à sa nièce, Sandrine d’Angio, pour siéger lui-même au Sénat) arrive en tête du premier tour avec 33,48% et 7.719 voix.

En 2014, il était également arrivé en tête du premier tour (avec 32,88% des voix), mais avec 12.857 voix, ce qui fait 5. 138 voix de moins, dans un contexte où la participation au vote a baissé partout.

Quatre listes sont qualifiées pour le second tour, dont celle de la droite LR arrivée en deuxième position, puis celle du « Printemps Marseillais » (une liste de gauche unitaire) et enfin la liste « Marseille avant tout » (de Samia Ghali proche de Jean-Noël Guérini).

A l’heure où nous publions ces lignes, les deux listes de gauche ont annoncé leur retrait pour faire barrage au RN.

Sur l’ensemble de la ville de Marseille, le RN arrive en troisième position à l’issue du premier tour avec 19,45% des voix (il était arrivé en deuxième position en mars 2014, avec 23,16%) et il totalise 31 485 voix, soit 27.671 de moins qu’il y a 6 ans. Alors que le taux d’abstention à Marseille était de 46,47% en 2014, il s’est élevé à 67,45% en 2020. La comparaison entre les votes au premier tour de mars 2014 et de mars 2020 est cependant extrêmement complexe, au vu de la situation sanitaire exceptionnelle ; mais une chose est sûre : le RN reste malheureusement très implanté à Marseille.

Dans le reste du département des Bouches-du-Rhône, les résultats à Tarascon sont particulièrement inquiétants. La liste d’extrême droite de Valérie Laupiès (ex-RN) arrive en deuxième position avec 35,76% des voix exprimées, et le RN « officiel » à la troisième place avec 19,56%.

Les scores de la Ligue du Sud

Pour finir le tour des 15 mairies brunes conquises en 2014, il faut ajouter les 3 mairies occupées par la Ligue du Sud (LdS). Sur les 3 sortants, un seul a été réélu dès le premier tour avec 55,49 % à Piolenc, petite ville à côté d’Orange.

Il s’agit de Louis Driey, un transfuge de l’UMP et gestionnaire très à cheval sur les économies.

Le succès est moins certain du côté de Jacques Bompard, maire élu dès 1995 (à l’époque sous les couleurs du FN avant de quitter ce parti en 2005), patron-fondateur de la Ligue du Sud. Élu en juin 1995 lors d’une triangulaire puis réélu triomphalement en 2001, 2008 et 2014 avec des scores se situant autour de 60 %, il tombe cette fois-ci à 47,6 % et se trouve ainsi en ballottage, quoique favorable.

La réélection de son épouse Marie-Claude Bompard à la mairie de Bollène (qu’elle occupe depuis 2008), en revanche, semble nettement moins assurée. En ballottage défavorable avec 44,74 %, elle ne devance la seconde liste – estampillée Divers Gauche (DVG) – que de 0,07 %, la troisième étant celle du PCF.

Apparemment, les maires d’extrême droite déjà en place ont manifestement réussi à faire apparaître les coupes sociales effectuées – telles que la fermeture des centres sociaux (par exemple celui de Villeneuve à Fréjus, ou la « Maison du Vivre ensemble Ferdinand Buisson » à Beaucaire), la diminution des moyens du CCAS ou encore la baisse parfois drastique des subventions au tissu associatif –, aux yeux d’une partie importante de l’électorat, comme ne ciblant que des personnes « pas de chez nous ». Ou alors ils ont réussi à faire avancer la désolidarisation, l’égoïsme, au nom de la seule cause qui vaille à leurs yeux, « la baisse des impôts locaux ».

Les difficultés électorales du parti à la flamme

Au-delà des 15 municipalités déjà tenues par l’extrême droite (et réunissant environ 450.000 habitant-e-s), celle-ci s’est plutôt montrée en difficulté électorale.

En tout cas, elle n’a pas réussi à pousser ses pions comme elle le prétendait avant le scrutin.

Néanmoins, le RN conserve des chances surtout à Perpignan, seule grande ville qu’il semble en mesure d’emporter. Louis Aliot, membre de la direction nationale du FN, y est arrivé en première position avec 35,65 % des voix. Cependant, il ne fait que légèrement augmenter son score de 34,19 % obtenu en 2014.

A l’époque, il avait perdu au second tour, suite au retrait de la candidature du PS au profit de celle de la droite classique. En attendant, au premier tour, la droite LR a obtenu un score de 18,43 %, suivie de la liste EE-LV / PS avec 14,51 % et celle du parti présidentiel LREM avec 13,17 %.

La région Nouvelle Aquitaine résiste encore et toujours au RN.

Dans le département de la Gironde, le « pari » électoral est « perdu » (selon la formulation du journal Sud-Ouest du 16 mars 20) à Saint-Savin en Haute-Gironde pour la secrétaire départementale du Rassemblement national, Edwige Diaz (43,80 %). Elle y a été battue par le maire sortant PS Alain Renard (56,20 %).

A Libourne, le candidat du RN Gonzague Malherbe arrive péniblement à 12,44 % et à Floirac, le RN obtient 9,98 % des voix. A Bègles, la liste de Maryvonne Bastères a obtenu 6,2 %, soit la moitié de ce que fit son prédécesseur en 2014.

Dans le Lot-et-Garonne (47), le RN cultivait quelques espoirs, en particulier avec le soutien de la Coordination rurale, un syndicat d’agriculteurs phagocyté par l’extrême droite. A Villeneuve-sur-Lot, la liste RN d’Etienne BOUSQUET-CASSAGNE obtient deux sièges, avec 15,33 % des votes.

Par contre, à Agen et à Marmande, aucune liste RN n’avait été présentée, tout comme dans Les Landes (40), où il y avait 2 élus FN/RN à Dax et Mont-de-Marsan, et dans les cinq principales villes de Charente-Maritime (17).

Dans les Pyrénées-Atlantiques (64), à Pau, le RN obtient un petit score de de 6,93 %, et il n’avait présenté aucune liste à Bayonne ni à Orthez.

Au final, le RN a moins de conseillers municipaux en 2020 qu’en 2014 en Nouvelle Aquitaine

Déconfiture en Pays de Loire

En Pays-de-la-Loire, région qui reste une terre de mission pour le RN, ce dernier perd tous ses élus municipaux, en tout cas tous ceux qui s’étaient déclarés comme tels en affichant les couleurs du parti.

A Nantes, la métropole régionale, le FN devenu RN, qui a eu du mal à boucler sa liste, passe en dessous des 5 %, ceci alors que son objectif affiché était de dépasser les 10 % afin de retourner au conseil municipal dont il est absent depuis 1995.

Échec aussi dans la ville ouvrière de Saint-Nazaire, où l’extrême-droite était présente au conseil municipal depuis deux mandatures.

Cet échec, avec la présence en bonne position sur la liste Nazairienne d’un ancien militant CGT, s’explique par la mise à l’écart de militants historiques se situant soit « trop à gauche » (c’est-à-dire avec un discours d’extrême droite fortement empreint de démagogie sociale) à Saint-Nazaire, soit de cadres favorables au rapprochement avec la droite la plus conservatrice et proches de Marion Maréchal-Le Pen (c’était le cas de Pascal Gannat dans la Sarthe).

La déconfiture s’explique aussi par un affaiblissement de la base militante – la scission autour de Florian Philippot, ex-numéro 2 de l’appareil qui a quitté le FN en septembre 2017, a pesé lourd à Nantes – et également par une perte d’adhérents suite à l’échec du deuxième tour de l’élection présidentielle de 2017.

A noter qu’un rassemblement du RN dans la maison des syndicats (qui est en fait une salle municipale) avec Nicolas Bay, place de la Gare de l’État le 3 mars 2020 en soirée, a été mis en échec par les dits syndicats et le milieu antifasciste nantais.

Des manifestant.es ont été, à cette occasion, agressé.es physiquement par des sbires du RN armés de matraques télescopiques. La tête de liste du RN, Eléonore Revel, et son directeur de campagne, Wilfried Van Liempd, ont été accusés d’être liés aux cogneurs proches de la « Manifestation pour tous », ceux-là mêmes qui avaient déjà attaqué des contre-manifestants lors d’une de leurs manifestations anti-PMA, en décembre 2019 à Nantes.

La Bretagne toujours réfractaire au RN

En Bretagne, le RN avait modéré ses attentes dès avant le scrutin. Le quotidien régional « Le Télégramme » (17 février) avait ainsi annoncé : « Le Rassemblement national n’a pas l’ambition de conquérir de villes bretonnes. Il voit plutôt les municipales de 2020 comme une étape pour s’implanter un peu plus dans la région. Gagner une ville en Bretagne ? Pour le Rassemblement national, la marche paraît encore bien haute. »

La promesse aura été tenue : le RN est loin d’avoir conquis des municipalités dans cette région. Au lendemain du premier tour, FR3 Bretagne résume : « L’Ouest reste bel et bien une terre de conquête pour le Rassemblement National. Bien avant le premier tour des élections, Gilles Pennelle, le chef de file du mouvement en Bretagne affichait d’ailleurs des ambitions modestes. Gagner une ville bretonne non. Mais une entrée dans plusieurs conseils municipaux oui. »

Entre 2014 et 2020, le FN/RN passe de 9 à 12 listes en région Bretagne (13 en comptant la liste d’Antoine Kieffer sur la commune de Ruca dans les Côtes d’Armor, mais les 50 voix que sa liste incomplète a recueilli ne sont pas très significatives). Au-delà de son audience, l’implantation du FN/RN augmente en apparence puisque présent pour la première fois dans de nouvelles villes, telles Dinan (22), Concarneau (29), Vitré (35), et Lanester (56).

Parallèlement, le parti maintient son implantation sur les villes où il était déjà présent en 2014 (Rennes, Saint-Malo, Fougères, Lorient, Vannes, Saint-Brieuc, Brest et Quimper). Par contre, à Morlaix (29), le RN avait déclaré à la presse qu’il jetait l’éponge « pour faire barrage à la gauche ». Ce faux prétexte dissimule mal une incapacité à présenter une liste suite à la vidéo de l’éviction des militants qui avaient osé demander des explications sur les comptes de Gilles Pennelle lors de la campagne des régionales 2015.

Au lendemain du premier tour, le constat est sans appel puisqu’en terme de sièges, le scrutin de 2020 se traduit par une importante diminution du nombre d’élus FN/RN. En se prenant une claque à Lorient, à Vannes et à Saint Brieuc, le FN/RN perd 5 des 9 conseillers municipaux qu’il avait obtenu en 2014. Cependant, de nouvelles apparitions lui permettent d’avoir un conseiller municipal à Dinan, et deux à Lanester (ville où le mouvement de Marine le Pen avait atteint son meilleur score en Bretagne en rassemblant 14,6% des voix).

Au final, avec un total de 5 conseillers municipaux FN/RN en région Bretagne, le scrutin de 2020 rend la présence du parti encore plus insignifiante qu’auparavant.

Dans le Morbihan (56), le RN chute de six points rapport à 2014 (7,03 % contre 13,78 % il y a six ans). À Vannes, où la droite classique se trouve traditionnellement en haut de l’échelle, le RN perd 5 points par rapport à 2014 (avec 4,64 % des voix, contre 9,74 % obtenus six ans auparavant). Dans le Finistère (29), le RN ramasse 6,71 % à Brest, 4,50 % à Quimper ou encore 6,75 % à Concarneau. Il était absent dans les autres principales communes du département.

En Ille-et-Vilaine (35), Emeric Salmon divise le score du FN / RN à Rennes par deux et obtient 4,21 %. Idem pour Philippe Miailhes à Saint-Malo qui passe de 9,46 à 4,07 % ou encore une chute de 6 points à Fougères (de 16,94 à 10,82 %). Enfin, dans les Côtes d’Armor (22), faute de listes dans de nombreuses communes, le RN n’obtient qu’un millier de voix dans tout le département, dont 783 dans la seule ville de Saint-Brieuc (7,55 % des suffrages exprimés). Il a récolté 291 voix à Dinan (6,78 %).

A noter que la stratégie de Marine Le Pen à la présidentielle semble avoir fait des émules chez certains candidat RN de Bretagne puisque deux des douze listes ont noué une alliance.

C’est le cas de Guillaume Péguy à Vannes qui a réussi à s’allier avec le Parti Chrétien-Démocrate (de Christine Boutin et Jean-Frédéric Poisson) ainsi qu’avec Debout La France (de Nicolas Dupont-Aignan).

Pour Dinan, il semblerait que le RN n’ait obtenu que le soutien du PCD, après que la presse se soit faite l’écho de diverses hésitations durant le mois de février.

Globalement, le FN/RN arrive à être présent sur quelques grosses villes, mais ses résultats en Bretagne restent toujours aussi anecdotiques.

En échec aussi à Nîmes, Nice, Calais…

Toute une série d’autres villes ont donné des scores inférieurs à 20 % aux listes du RN et affiliées, ce qui doit passer pour un échec.

A Nîmes (30), le parti d’extrême droite n’a réalisé que 14,34 %, en quatrième place. Échec aussi à Nice (06), où il a obtenu la seconde place avec 16,69 %, soit environ cinq points moins qu’en 2014, derrière la droite classique à 47,62 %.

Tel est également le cas à Calais (62), où Marie-Caroline Le Pen, sœur de Marine et fille de Jean-Marie Le Pen, était présente sur la liste et où l’extrême droite se promettait un score important, espérant tirer bénéfice de la forte concentration de migrants sur la côte de la Manche vivant dans des campements informels autour de la ville. Or, la liste du FN à Calais n’a obtenu que la troisième place avec 17,91 %, la maire sortante Natacha Bouchat (LR) ayant dépassé les 50 %.

Ailleurs dans le Pas-de-Calais, un département emblématique pour le RN qui y a fait élire quatre député.es sur huit aux législatives de 2017 (José Evard ayant fait défection depuis), les résultats du RN ne sont guère d’ordre triomphal, sans être insignifiants pour autant.

Une exception néanmoins dans son fief d’Hénin-Beaumont, comme cela a déjà été développé plus haut.

Ailleurs, les listes du RN obtiennent 11,64 % à Arras ; 7,02 % à Béthune ; 15,51 % à Boulogne-sur-mer (où le maire sortant a obtenu 66,82 % des voix ) ; 38,57 % à Bruay-la-Buissière (où la liste du RN obtient la première place, mais se trouve en ballottage défavorable) ; 22,76 % et une deuxième place à Lens (où le maire sortant a obtenu 55,48 %) ; ou encore 15,97 % et une deuxième place à Liévin (le maire sortant récoltant 73,52 % des voix).

Le Var toujours viral

A Cogolin, Marc-Etienne Lansade est en ballottage favorable avec 47,5 %, alors que Pascal Verrelle à la mairie du Luc est en situation défavorable (second avec 37,96 %). A Fréjus, David Rachline obtient 50,6 %.

A Toulon, ville gérée par le FN entre 1995 et 2001, la liste du RN n’a obtenu que 14,99 %, alors que la droite dirigée par Hubert Falco (maire depuis 2001) cumule 61,39 % dès le premier tour.

Ailleurs dans le Var, une liste d’union « droite et extrême droite », présentée à Draguignan et menée par Philippe Schreck (bâtonnier du barreau de Draguignan), n’obtient que 12,60 % et une troisième place.

Le local de campagne de la liste Schreck avait été inauguré en présence du maire (LR) de Saint-Raphaël, Frédéric Masquelier, mais aussi du maire RN de Fréjus, David Rachline.

Cette alliance n’a cependant pu assurer les chances électives de la liste, puisque le maire sortant Divers droite de la ville a obtenu 53,34 %.

A noter qu’était présent comme candidat sur cette liste le membre d’une organisation syndicale, Philippe Pallaruelo, présenté comme ancien président du Conseil des prud’hommes de Draguignan. Il avait encore été élu suppléant en 2017, aux élections professionnelles, sur une liste CFDT au Comité central d’entreprise de Carrefour-Hyper.

Dans d’autres communes du Var, là où elles n’avaient pas de maires sortants, les listes du RN ont parfois dû cohabiter avec des listes d’extrême droite dissidentes ou encore des listes de « Debout la France » (le parti de Nicolas Dupont-Aignan) aux scores généralement plus faibles. Le RN lui-même obtient des scores qui ne lui permettent nulle part de gagner, mais sans être toutefois insignifiants.

Le RN totalise ainsi 12,64 % à Saint-Raphaël (dont le maire LR sortant avait apporté son soutien à une liste droitière à Draguignan, voir plus haut…), et la liste du maire sortant l’a emporté dès le premier tour avec 57,14 %.

Les listes du RN ont aussi atteint 16,36 % à La Vallette avec la une troisième place (le maire sortant obtenant 64,34 %), 19,99 % et une troisième place au Muy (maire sortant à 52,80 %), 15,61 % à La Seyne-sur-Mer, 14,50 % à Hyères ou encore 21,63 % (une deuxième place, en ballottage très défavorable) à Six-Fours-les-Plages ; mais « seulement 5,33 % à Saint-Maxime, 5,16 % au Pradet ou 7,55 % à Bandol…

Enfin, à Lorgues, la situation semble particulière dans la mesure où la liste du RN menée par Coline Houssays a obtenu 9,13 % et une troisième place… mais s’est trouvé surclassée par celle de Jean-Bernard Formé, lui-même ancienne tête de liste du FN en 2014 (sa liste obtenant cette année 15,68 % et la deuxième place). Au final, la liste du maire sortant Claude Alemagne (LR) a obtenu pas moins de 75,18 %.

Contamination contenue dans l’Hérault

Alors que le maire d’extrême droite de Béziers, Robert Ménard, a dépassé les 50 % au premier tour, le RN est loin de triompher dans le reste du département de l’Hérault. Seuls s’en sortent les amis « de droite » de Robert Ménard qui étaient déjà élus, et se représentaient dans des petites communes : Gérard Abella (73,57 %), Bertrand Gelly à Corneilhan (en ballottage favorable avec 46,29 % et la première place) et Didier Besson à Cers (53,97 % des voix).

Les autres, pas encore en place, ne trouvent pas des conditions aussi favorables. Ainsi à Sète, une liste droite/extrême droite (« Union des Droites et des Citoyens »), menée par un ex-dirigeant départemental du LR, Sébastien Pacull, n’obtient que 14,38 % et une quatrième place, la liste du maire sortant arrivant en tête du premier tour avec 34,86 % des voix.

Une autre liste d’alliance « des droites » à Frontignan, elle aussi activement soutenue par Robert Ménard et menée par Gérard Prato (membre du RN), obtient 27,86 % et une deuxième place, mais ne semble pas avoir de chances réelles de passer au second tour alors qu’elle prétendait être en mesure de conquérir la mairie.

A Lunel, où une liste du RN avait été rejointe par des ex-militants LR, celle-ci n’est que troisième avec 21,74 % (contre 24,5 % pour la liste du FN en 2014).

Ces résultats montrent nettement les limites du « pôle d’attraction politique » de Béziers, où Ménard se pose en héraut de l’ « union des droites ».

A Vendres (2.700 habitants), la liste menée par Henri Bec, « président du Centre royaliste d’Action française » (sic), sobrement intitulée « Vendres 2020 » et soutenue par Robert Ménard, a réalisé 39,31 % des voix, et la liste du maire sortant a obtenu la majorité au premier tour (69,69 %).

A Palavas-les-Flots, la liste du RN totalise 7,95 %, contre 11,2 % en 2014 et à Mauguio, la liste menée par Gilles Parmentier (RN) perd environ sept points par rapport à la liste du FN il y a six ans, en obtenant 13,47 % et une troisième place.

Dans la commune de Pérols, le RN a obtenu 5,59 % et une quatrième place (15,48 % en 2014) et à Agde, la liste menée par Jean-Louis Cousin, qui prétendait emporter la mairie, est arrivée en troisième position, avec 15,66 % des voix.

Le suppléant d’Emmanuelle Ménard, épouse de Robert Ménard et députée à l’Assemblée nationale depuis les législatives de 2017, Jacques Nain, n’obtient quant à lui que 18,33 % des voix à Sauvian, où la liste du maire sortant atteint 81,67 %.

Enfin, à Montpellier, la direction nationale du RN avait retiré son soutien à la liste locale du parti menée par Olaf Rovkam suite à la révélation que le numéro trois de la liste, Djamel Boumaaz, avait décoré son gâteau d’anniversaire d’une croix gammée. Cette liste maintenue obtient 4,78 % et une piètre neuvième place. Cela représente environ la moitié des scores habituels du parti à Montpellier.

Paris et l’Île-de-France

A Paris et dans sa proche banlieue, le RN n’a pas marqué de points lors du premier tour de ce scrutin municipal.

Dans le département 75, qui constitue un terrain électoral difficile pour le RN en raison de la composition sociologique de la population parisienne et de son électorat, le RN n’avait pas présenté de liste en propre mais apporté son soutien à celle du libéral Serge Federbusch.

Cette liste intitulée « Aimer Paris » avait aussi reçu, le 29 janvier 2020, le ralliement du Parti chrétien-démocrate (PCD) de Jean-Frédéric Poisson. Ce petit parti, qui a des liens assumés avec Les Républicains, est situé à la droite de la droite.

Il avait été formellement lié par un contrat d’association au prédécesseur de LR, l’UMP, mais ce n’est plus le cas. La fondatrice du parti, Christine Boutin, avait voté Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle en 2017, alors que le parti prônait officiellement le « ni-ni », c’est-à-dire le double refus du vote RN et du vote Macron et/ou du « front républicain ».

Aux municipales 2020, une quarantaine de listes en France avaient reçu un soutien à la fois du RN et du PCD. Cependant, la liste menée par Serge Federbusch n’a obtenu qu’un maigre score de 1,5 % à Paris. Dans le 19e arrondissement, où Federbusch se présentait personnellement et visait à obtenir 10 % des voix, il a dû se contenter d’un résultat de 1,83 %.

En Seine-Saint-Denis (93), le RN a été quasiment inexistant. Il ne présentait que deux listes, « faute d’ancrage local » selon les termes du Parisien (28 février 2020), soit moins que l’UPR – Union populaire républicaine -, un petit parti europhobe ayant des traits sectaires, qui a pu lui présenter quatre listes en Seine-Saint-Denis et a même obtenu 10,13 % et deux sièges à La Courneuve.

L’une des deux listes du RN dans le 93 était en lice à Villepinte, menée par un candidat, Alain Mondono, qui a été exclu du parti le 3 mars 2020 suite à la diffusion de plusieurs publications à caractère antisémite. En dernier lieu, il avait « liké » une vidéo sur le réseau social russe VKontakte, qui affirmait que « le Coronavirus aurait été mis au point par les juifs », comme le résume LCI le 06 mars 2020…

La liste « Villepinte, ville française » qu’il conduisait n’obtient finalement que 2,15 %.

L’autre liste soutenue par le RN dans le département, celle de Patrice Vella à Noisy-le-Grand, n’a obtenu que 3,08 %. Pour rappel, en mars 2014, le FN de l’époque avait présenté neuf listes dans le département, mais n’avait obtenu que deux élus, qui seront tous deux exclus du parti par la suite.

Dans le département du Val-de-Marne (94), le RN n’a présenté cette fois-ci qu’une seule liste, contre onze en 2014. Cette liste, au Plessis-Trévise, menée par Alain Philippet, a obtenu 7,47 % des voix exprimées.

Le département des Hauts-de-Seine (92) a vu le RN obtenir zéro mandat municipal au soir du premier tour, (cinq sièges de conseillers municipaux en 2014) dans ce département. Cette année, il avait présenté des listes à Clichy-la-Garenne, Courbevoie, Levallois-Perret, Suresnes et Villeneuve-la-Garenne.

Le Val-d’Oise (95), non plus, n’a pas réservé un triomphe au RN, où celui-ci obtient au total trois sièges de conseillers municipaux dans deux villes (sur trois où il présentait des listes), contre sept sièges dans six villes (et six listes) en 2014.

Dans l’Essonne (91), le RN n’était présent qu’avec une seule liste, à Étréchy, menée par François-Valbert Helie. Elle a obtenu 15,28 % des voix, en quatrième position.

Enfin, en Seine-et-Marne (77), département qui réserve souvent ses plus gros scores de la région parisienne au RN dans le cadre des élections nationales, le parti n’a pu boucler que cinq listes, contre onze envisagées (et huit en lice en 2014).

A l’échelle du département, cela se traduit sur une moyenne de 0,08 %, calcul qui est bien entendu faussé par l’absence du parti dans la plupart des 507 communes, majoritairement petites voire très petites. Ses listes, là où elles étaient présentes, obtiennent respectivement : 27,23 % à Nangis, 8.700 habitants, la commune la plus mise en avant par la fédération départementale dès avant le scrutin, 3ème sur 3 listes, 16,48 % à Brie-Comte-Robert, et là encore une troisième place sur trois listes ;

11,87 % à Tournan-en-Brie, 11,80 % à Pontault-Combault, 5,72 % et une élue à Chelles, la deuxième ville la plus peuplée du département (avec 55.000 habitants), derrière Meaux et devant Melun, villes où le RN n’a pas présenté de liste.

Dans l’absolu, ce scrutin semble avoir été marqué par un fort réflexe légitimiste, qui a largement joué au profit des sortants.

En effet, les peurs et craintes inspirées par la pandémie, qui avait déjà commencé avant le premier tour des municipales, ont dissuadé de nombreux électeurs et nombreuses électrices de se rendre aux urnes.

Les plus motivé.es à se déplacer furent les personnes les plus rassurées par les autorités qui assuraient qu’il était sans risque de se déplacer pour voter.

Les contestataires, les sceptiques, les méfiant.es, à qui on pourrait aussi ajouter les complotistes, semblent avoir été, pour le dire avec prudence, moins motivé.es pour sortir afin d’aller voter.

L’extrême droite a visiblement pu profiter du réflexe légitimiste là où elle était installée en mairie, en incarnant en quelque sorte l’autorité, au moins locale. Ailleurs, en s’appuyant sur des publics différents, ce sont plutôt les dirigeant.es locaux sortant.es issu.es de la droite classique ou du Parti Socialiste qui ont bénéficié de la situation.

A l’issue du premier tour, le RN d’un côté, le parti écologiste EE-LV de l’autre, étaient les premiers à proposer que le second tour ne se tienne pas à la date programmée (le 22 mars 2020), mais soit reporté. Au vu de l’évolution de la crise sanitaire intervenue depuis, cette décision a fini par être prise au sommet de l’Etat, en s’appuyant sur un consensus des principaux partis politiques.

Parions toutefois que le RN tentera à plus long terme de tirer un bénéfice de sa sortie précoce… Ceci d’autant plus que le contexte historique semble, en tout cas de son propre point de vue, lui être profitable, et se prêter à la grille de lecture idéologique qu’il cherche à y appliquer.

Le RN et la loi sur l’état d’urgence

Les député.es du RN ont voté en faveur de la loi instaurant « l’état d’urgence sanitaire », adoptée par l’Assemblée nationale et le Sénat le 22 mars 2020.

Cela ne signifie pas que leur parti se rangerait, en l’occurrence, derrière le camp gouvernemental : le RN cherche, au contraire, à se mettre en avant en tirant bénéfice des contradictions et faillites de l’exécutif, par exemple en matière d’approvisionnement en masques de protection et autres.

Le RN tente aussi d’attirer l’attention en se prononçant pour davantage d’aides aux petites entreprises, en vue de surmonter la crise actuelle. Dès le 21 mars 2020, Marine Le Pen, citée par l’AFP, demande « d’aller plus loin en soutien aux entreprises de moins de 1.000 salariés, en proposant que la Banque de France leur distribue tout de suite 10 milliards d’euros ».

La présidente du RN a aussi demandé, dès la fin janvier 2020, en demeurant quelque peu prudente et tout en proposant une « aide » à la Chine, que « le nombre de cas confirmés de COVID-19 doit pousser le Gouvernement à réfléchir à une suspension des vols en provenance des régions de Chine les plus touchées », selon un tweet du 28 janvier 20.

Mais bien évidemment, c’est la solution de la fermeture des frontières que le RN propose quasiment en toutes circonstances…

Le 25 février 2020, alors qu’elle visite le Salon de l’Agriculture, Marine Le Pen déclare, en réponse à une question portant sur la fermeture de la frontière italienne, et en ramenant le débat directement sur l’immigration : « Il faut des contrôles de toute façon. La frontière, c’est un élément de protection des populations. On parle de l’épidémie en Italie mais on ne parle pas de tous les gens qui traversent la frontière sans être du tout contrôlés parce qu’ils sont en situation clandestine. »

La recette proposée par le RN ne résulte pas d’une réflexion spécifique à propos de la crise sanitaire en tant que telle, mais elle lui permet une nouvelle fois d’afficher son idéologie raciste.

Alors que le virus circulait déjà largement sur le territoire français avec la formation de « clusters » dans les départements de l’Oise et du Haut-Rhin, une fermeture des frontières à l’intérieur de l’Union européenne aurait été parfaitement inutile pour ralentir la progression de la pandémie.

Mais cette « proposition » aura permis à Marine Le Pen de resservir sa remise en cause de l’ouverture des frontières dans l’Union européenne, tout bêtement…

Un article de Mme Speranta Dumitru, maîtresse de conférences en Sciences politiques à l’université de Paris-Descartes, publiée par la revue The Conversation du 7 avril 2020 sous le titre « Le nationalisme est-il bon pour la santé ? », en arrive d’ailleurs à la conclusion suivante : « Une fois que le virus est présent sur un territoire, il se propage en effet à travers les contacts locaux. Fermer les frontières ne retarde que de peu l’épidémie, comme l’ont montré de nombreuses études sur la propagation des virus de la grippe ou d’Ebola. » 

Le blanchiment des thèses complotistes par le RN

La principale polémique, en France, entre l’extrême droite et les autres forces politiques a lieu au sujet d’une certaine réhabilitation des thèses complotistes sur la place publique par la présidente du RN.

L’affaire est partie de la publication d’un sondage, le 28 mars 2020, par la fondation Jean-Jaurès et l’Observatoire du conspirationnisme Conspiracy Watch.

Celui-ci montre que si, au total, environ un quart de la population française adhère à une lecture complotiste des événements – le nouveau Coronavirus se serait échappé d’un laboratoire, « accidentellement » (pour 9 % des personnes sondées), ou y aurait été créé « intentionnellement » (selon 17 % des sondé-e-s) -, il existe une nette corrélation entre les sympathies politico-idéologiques des un.es et des autres, et leur positionnement.

Concrètement, 40 % des électeurs et électrices du RN défendent la thèse de la création artificielle « intentionnelle » du nouveau Coronavirus (et 15 % celle de son échappement « accidentel ») ; mais ils et elles ne sont que 2 % dans l’électorat du parti présidentiel LREM à le faire.

La thèse de la création artificielle du virus a été utilisée dans le débat politique, sur fond de rivalités entre grandes puissances internationales. Certaines publications nord-américaines ont, en effet, insinué au début de la pandémie que les autorités chinoises auraient dissimulé la création du SARS Cov-2 dans un laboratoire sur leur territoire. Le gouvernement chinois, à son tour, a fait fuiter la prétendue information que le nouveau Coronavirus serait apparu suite à un exercice militaire, en Chine, auquel des représentants de l’armée des USA avaient été invités en octobre 2019…

Des équipes scientifiques des deux pays, cependant, sont arrivées à des résultats qui excluent cette hypothèse. Des recherches scientifiques chinoises, tout comme un article publié aux USA par la prestigieuse revue « Nature Medicine » aboutissent en effet au résultat que le SARS Cov-2 résulte de la mutation d’un virus passé d’un animal, probablement une espèce de chauve-souris, aux humains. Un passage par le désormais fameux pangolin, en tant qu’hôte intermédiaire, n’étant point exclu.

Mais ces considérations scientifiques étayées n’embarrassent pas Marine Le Pen lorsque, le 30 mars 2020, elle défend explicitement cette lecture complotiste de l’Histoire la plus récente, déclarant sur France Info : « Permettez-moi de vous dire le plus grand mal que je pense de ce type d’étude sur le complotisme. Que des gens s’interrogent pour savoir si ce virus est d’origine naturelle ou s’il ne peut pas avoir échappé d’un laboratoire, c’est une question de bon sens. »

Il n’est pas improbable, en réalité, que la question des origines du virus laisse la présidente du RN largement indifférente… Elle n’affirme d’ailleurs pas explicitement la vision complotiste en la matière, sans la démentir non plus.

Sa réponse ne semble pas principalement motivée par des choix idéologiques, mais plutôt par une simple stratégie de communication.

Avant tout, il s’agit pour elle de coller au plus près de son électorat… et de défendre la pseudo-légitimité d’une partie de cet électorat qui adhère aux thèses délirantes de celles et ceux qui soupçonnent systématiquement une « main invisible » derrière chaque événement important. Les partisan.es du RN forment le groupe d’électeurs et électrices qui déclarent le plus souvent, comparé à d’autres courants, s’informer uniquement ou avant tout à partir de sources trouvées sur Internet…

Après une attaque de la députée LREM Aurore Bergé (mardi 31 mars 2020 sur Sud Radio), qui accusait Marine Le Pen « d’inoculer le virus du complotisme dans notre pays », le RN réagit par l’envoi d’un e-Mail à tou.tes ses sympathisant.es, le même jour, sous le titre : « Le gouvernement est le plus gros pourvoyeur de fake news depuis le début de cette crise ! »

Tentant de retourner l’accusation de la diffusion de fausses informations (les fameuses fake news depuis une formulation, devenue célèbre, de Donald Trump) contre le camp gouvernemental, le RN revient ici aux divers errements de l’exécutif depuis le début de la crise.

Reprenant dans le corps du mail une interview avec Marine Le Pen publiée par la revue Valeurs actuelles du 27 mars 2020, le RN insiste ainsi sur les premières déclarations gouvernementales qui avaient gravement sous-estimé le risque d’une contagion pouvant atteindre la France, les déclarations contradictoires à propos des masques…

Ce faisant, il recentre ainsi son propos, moins sur une vision complotiste à proprement parler, mais nettement plus sur un pur discours de parti d’opposition : il s’agit d’exploiter les fautes du gouvernement, ses contradictions, la crise de l’hôpital dues aux politiques d’austérité… Le tout étant, toutefois, garni par la grille de lecture idéologique qui correspond à la pseudo-explication du libéralisme économique par le RN : la faillite, au fond, serait celle « du modèle ultra-libéral mondialisé. Le modèle qui acte la disparition des frontières, des Etats nations, des Etats stratèges et la livraison de la marche du monde à la main invisible du marché. » 

Jusqu’ici, le positionnement dans la crise sanitaire liée à la pandémie n’a pas réellement profité à Marine Le Pen, à en croire un sondage publié le 2 avril 2020 par Les Echos. En effet, si 92 % de l’électorat du RN déclare avoir une « image positive » d’elle, ce n’est le cas que de 23 % de la population française, contre 26 % au mois précédent. Ce recul relatif s’est surtout produit chez les personnes âgées et dans la région du Grand Est, autrement dit, dans deux groupes sociaux particulièrement frappés par la maladie du Covid-19.

L’article du quotidien économique Les Echos qui analyse le sondage se termine cependant par cette mise en garde : « Les prises de position agressives de Marine Le Pen vis-à-vis de l’exécutif pourraient-elles lui être créditées par la suite ? C’est évidemment vers la sortie de la crise sanitaire qui risque fort de se transformer en crise économique, puis sociale, voire politique, que regardent les cadres du RN. Cette crise est comparable à la Première Guerre mondiale. L’Europe va en sortir ruinée avec une économie à terre, prédit l’eurodéputé RN et conseiller de Marine Le Pen, Philippe Olivier. C’est à ce moment que la patronne du RN espère apparaître comme une alternative crédible à Emmanuel Macron. »  

Quelques perspectives

Ce scénario, dressé ici par le quotidien libéral, n’est évidemment que l’un parmi plusieurs possibles.

Alors qu’une crise économique d’envergure s’ouvre avec la crise sanitaire, il est primordial pour les démocrates, progressistes et le mouvement ouvrier, pour toutes et tous les antifascistes, d’analyser et de combattre ce danger qui risque de monter en puissance pour offrir une « sortie » de la crise… potentiellement riche en catastrophes.

A lire aussi, la tribune “Plus jamais ça !”

18 responsables d’organisations syndicales, associatives et environnementales appellent à préparer “le jour d’après”

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